THOMAS CLARKSON
Le personnage principal de l’énigme est William Wilberforce, l’un des plus célèbres abolitionnistes anglais. Converti dans sa jeunesse à l’évangélisme « non-conformiste » (« destin non conformiste ») du pasteur méthodiste George Whitefield, il entre en politique et est élu député à 21 ans. Le député Wilberforce se caractérise par son indépendance d’esprit (il vote aussi bien pour le parti whig que pour le parti tory) et par son éloquence. « J’ai vu ce qui ressemblait à une simple crevette monter sur la table, mais alors que je l’écoutais, il grandit et grandit jusqu’à ce que la crevette devienne une baleine » écrira le chroniqueur James Boswell (« la crevette a dû devenir baleine »). Ami du premier ministre William Pitt et de John Newton, esclavagiste repenti et auteur du cantique « Amazing Grace » (« l’étonnante grâce divine »), il commence à s’intéresser en 1786 au problème de l’esclavage et du commerce triangulaire (« l'infâme triangle par-delà les mers »), notamment sous l’influence des quakers, des Testonites et… d’un jeune étudiant nommé Thomas Clarkson. En mars 1787, il accepte de représenter la cause des abolitionistes au Parlement « sous réserve que personne de plus qualifié ne soit trouvé ». En mai 1787 a lieu une conversation décisive entre William Pitt, le futur premier ministre William Grenville et Wilberforce, dans la propriété de Pitt sous un large chêne. C’est sous ce chêne que Wilberforce dira plus tard avoir pris la décision de faire de la lutte contre l’esclavage le combat de sa vie (« j’ai donc quitté mon chêne »). Pendant ce temps, la « Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade », rassemblant quakers et mouvements évangéliques lance une campagne contre l’esclavage en utilisant notamment le célèbre sceau, créé par Josiah Wedgwood, montrant un esclave noir enchaîné avec cette légende : « Ne suis-je pas un homme et un frère ?»
Dès lors, Clarkson et Wilberforce, unis dans la lutte, se partagent les rôles : Clarkson parcourt le pays pour rassembler des témoignages et des statistiques pour influencer l’opinion publique ; il visite les bars des ports pour interroger les marins, rassemble des documents sur les conditions de vie des esclaves et des objets d’artisanat créés par les esclaves. En 1787, il échappe à une tentative d’assassinat sur le port de Liverpool. De son côté, Wilberforce poursuit la guérilla parlementaire. Mais de résolution en compromis, les progrès sont lents. Clarkson et Wilberforce tentent de s’inspirer de la Révolution Française qui abolit le commerce des esclaves en 1794 (« les français, eux, m’ont compris »), avant que Napoléon ne le rétablisse en 1802. Alors que les partisans de l’esclavage clament que les esclaves africains sont des êtres inférieurs incapables de vivre librement, Wilberforce soutient le projet d’une colonie libre en Sierra Leone où blancs et noirs vivraient en harmonie (« l’utopie de l’Afrique de l’Ouest »). Malheureusement, l’entreprise tourne court. Cependant, les idées abolitionnistes progressent dans l’opinion publique. En 1807, enfin, le Parlement adopte le « Slave Trade Bill » qui abolit le commerce des esclaves (mais pas l’esclavage lui-même) par 283 voix contre 16.
Wilberforce meurt le 29 juillet 1833. Un mois plus tard, la Chambre des Lords approuva la loi qui abolissait l'esclavage dans la plus grande partie de l'Empire britannique («à un mois près, ma vie aurait été un succès total»). Il faudra attendre 1848 et Victor Schoelcher pour que l’esclavage soit aboli en France.
De manière plus anecdotique, Wilberforce créa en 1824 la première organisation de protection des animaux, la Society for the Prevention of Cruelty to Animals (« défendre les hommes comme les animaux ») et s’opposera aussi aux duels qu’il considérait comme « une disgrâce de la société chrétienne » (« moi qui n’aime pas les duels »).
C’était donc Wilberforce le fil conducteur de l’énigme. Mais celui qu’il fallait trouver, c’était son ami de cinquante ans, l’amasseur de preuves malgré les tentatives d’assassinat : Thomas Clarkson.
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